30 août 2024 • ACTUALITÉS

Les communautés locales : les protecteurs de la forêt de Tapia 

Cultivateurs, tisseurs, éleveurs, tous présentent des parcours de vie différents mais avec un point commun : le Tapia. Comme plus de 70% des espèces à Madagascar (WWF 2023), cet arbre est une variété endémique dont seule l’île favorise le développement. 

Forêt endémique de Tapia dans le village d’Ambohipeno sur la commune d’Arivonimamo, ©Christophe Michel / PU

La faune, la flore et la population locale tentent de vivre en harmonie sur cette terre de l’est du continent africain. Nombreuses sont les personnes qui ont conscience de la dégradation des grandes forêts malgaches, indispensable à la biodiversité du pays. Avec l’aide de Planète Urgence, certains ont pris la décision de s’engager pour la restauration et préservation de leurs écosystèmes forestiers.

L’arbre de Tapia s’étend dans la région d’Itasy (au centre de l’île), des hauts plateaux du sud d’Antsirabe jusqu’au nord d’Ambositra. Il est également présent à l’ouest de Antananarivo, la capitale. Indispensable au fonctionnement de la filière de la soie, cet arbre est aujourd’hui surexploité – principalement pour l’agriculture, le bois de construction et la fabrication de charbon de bois ; première source d’énergie dans la région. 

Dans ce contexte, les populations dépendantes de la filière de la soie ne peuvent plus subvenir à leurs besoins. Par manque de Tapia, cette activité subit plusieurs pressions comme l’absence de vers à soie et l’augmentation des bio agresseurs, ces organismes vivants qui attaquent les plantes cultivées. 

Pour endiguer ce fléau, Planète Urgence a lancé plusieurs programmes de reboisement dans la région d’Itasy. Cette campagne permet aux communautés de maintenir leurs activités – via l’accès à du bois de chauffe ou de l’agroforesterie par exemple – tout en préservant les espaces forestiers.  

La forêt a vu sa superficie diminuer par trois en cinquante ans. Elle est passée de 30 % en 1950 à seulement 12 % de la surface du pays aujourd’hui. Ces grandes végétations sont coupées ou brûlées au rythme de 36 000 hectares par an (WWF 2023) 

Pourtant, les arbres sont le cœur du travail de Lalah, pépiniériste, installé à Arivomamo, dans le village d’Ambohipeno. Ce cultivateur aux mains teintées par le travail de la terre, s’est spécialisé en agroforesterie. Il cultive des arbres tels que l’eucalyptus, l’acacias ainsi que différents fruitiers comme le letchi, le manguier, l’oranger, l’avocatier ou encore la papaye. 

©Christophe Michel / PU

Parce que le végétal est pour lui plus qu’une profession, depuis plus de dix ans, il cultive avec le soutien de Planète Urgence l’arbre de Tapia afin de pouvoir contribuer au reboisement des espaces forestiers locaux. “On constate, depuis notre travail en commun, une augmentation de la densité de la forêt mais également une diminution de l’érosion des sols et une augmentation de la faune et flore”, explique le cultivateur de 43 ans.  

L’ONG lui a permis d’améliorer ses ventes, de pouvoir renforcer ses capacités et d’optimiser sa production. “J’ai vu beaucoup d’évolution avec l’aide de Planète Urgence. Le renforcement de nos capacités, des formations sur l’entrepreneuriat rural et une aide financière pour l’achat de nouveaux plants au niveau de la pépinière”, livre-t-il. 

Le Tapia représente bien plus qu’un arbre pour les habitants de Madagascar, c’est une ressource nécessaire pour de nombreuses activités locales. Joséphine, est responsable de la magnanerie du village d’Ankalalahana: maison de ponte où se pratique l’élevage des vers à soie. “Notre responsabilité consiste à produire des œufs de vers à soie pour entretenir trois communes dans la région Itasy. On alimente deux fois par an 35 cages qui se répartissent dans les zones de mise en liberté”. 

Pour se développer, le landibe, nom de l’espèce locale de vers à soie, se nourrit des feuilles de l’arbre de Tapia ce qui lui permet après cinq stades de maturité, de se transformer en cocon. Cette enveloppe est ensuite plongée dans l’eau bouillante pour favoriser l’extraction du fil de soie à tisser.Dans notre région, la forêt de Tapia est strictement protégée parce que c’est l’aliment de base de ce ver sauvage”.

©Christophe Michel / PU

Le landibe est une espèce sensible, et attaquée par de nombreux prédateurs comme les oiseaux ou les fourmis. L’homme aussi est un point de blocage pour le repeuplement, car il récolte les chrysalides dans les cocons pour en faire des aliments”, poursuit-elle. 

C’est la raison pour laquelle il est nécessaire pour Planète Urgence de développer des activités génératrices de revenus (AGR) afin de permettre aux locaux de pouvoir subvenir à leurs besoins de première nécessité. “Depuis l’intervention de l’association, on constate une évolution sur le repeuplement de ver à soie dans les forêts de Tapia”, conclut l’éleveuse. 

Au cœur de ces AGR, Jean de dieu s’avance pieds nus dans la rizière où l’eau lui remonte jusqu’au tibia. Rizipisciculteur, il cultive le riz et gère un élevage de plus de 5 000 poissons dans les steps en hauteur du village d’Ambohinaivo. Si l’activité n’est pas destinée à première vue à la préservation des forêts de Tapia, elle le devient par effet rétroactif. Les cultivateurs peuvent, avec l’appui de Planète Urgence, et grâce à la reforestation, réduire les risques d’érosion et donc éviter les glissements de terrain qui mettrait à mal leurs champs de riz et abimerait leurs outils de travail.  

La région est particulièrement menacée par les feux de brousse, les besoins en bois-énergie, l’extension de l’agriculture et l’envahissement par des espèces exotiques. C’est en ce sens que les locaux ont lancé un système mixte de rizipisciculture qui consiste à élever des poissons dans une rizière en même temps que le riz y est cultivé pour un accroissement durable de l’offre locale en produits halieutiques, riches en protéines, et une amélioration des conditions de vie des populations. Avec l’appui de l’ONG, l’éleveur de 51 ans a pu augmenter ses rendements et développer son activité. “Avant, nous obtenions à peu près 50 alevins. Puis, avec l’appui de Planète Urgence, ça n’a fait qu’augmenter. Actuellement, même si l’objectif n’est pas encore atteint, nos poissons sont au nombre de 4 000 à 5 000, en ce qui concerne les carpes.” 

 

L’engagement des communautés locales dans la préservation de la forêt de Tapia montre l’importance de l’arbre de Tapia. Grâce aux efforts de Planète Urgence et à la participation active des habitants, des résultats concrets sont visibles, tels que l’augmentation de la densité forestière. Les initiatives de reboisement et de développement d’activités génératrices de revenus, comme la rizipisciculture, témoignent de la réussite d’un modèle de développement durable qui permet de lutter contre la déforestation tout en améliorant les conditions de vie des populations locales.

Selon Vicky, responsable opérationnelle sur le projet Tapia, “1,2 million d’arbres ont pu être plantés sur l’année 2023 grâce à l’intervention de Planète Urgence”.    

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