21 octobre 2024 • ACTUALITÉS

Les crédits biodiversité, fausse ou bonne idée ?

La COP Biodiversité de Cali – COP 16 – (21 Octobre – 1er Novembre) va être le théâtre d’intenses discussions autour de la financiarisation de la Nature. Certains excluent l’idée de mettre un prix derrière la biodiversité, d’autres estiment que c’est un enjeu essentiel pour trouver les financements nécessaires à sa protection et restauration.

Lors du sommet Climate Chance de Bordeaux, un premier échange entre experts a permis à Planète Urgence de partager son point de vue par la voix de sa directrice Générale, Amandine Hersant, aux côtés des dirigeants d’Ecoact, de West Africa Blue, de la responsable plaidoyer du WWF ou du renommé juriste expert des crédits carbone Matthieu Wemaere.

Pourquoi instaurer des crédits biodiversité ?

L’enjeu est clair : il est nécessaire de financer la conservation et la restauration de la Nature à grande échelle. La Banque Mondiale estime qu’il faudrait 700 milliards de dollars par an d’ici 2050 pour préserver la biodiversité, contre seulement 100 milliards en 2020.

Cependant, cette augmentation des fonds doit aller de pair avec une réduction des subventions nuisibles à l’environnement. Chaque année, 1 800 milliards de dollars de fonds publics sont alloués à des secteurs nocifs pour la biodiversité (carburants fossiles, agriculture intensive, exploitation excessive des ressources naturelles, etc.).

D’où vient l’idée des crédits biodiversité ?

Les crédits biodiversité ont vu le jour au cours des dix dernières années, développés par divers acteurs avec des méthodes de calcul variées. En Colombie, Terrasos a été l’un des pionniers dans ce domaine. Depuis la COP15 de Montréal, ces crédits semblent s’institutionnaliser. Les acteurs économiques comprennent de plus en plus que, si la nature n’a pas besoin de l’économie, l’économie, elle, dépend profondément de la nature. Par exemple, 50 % du PIB mondial repose sur des services écosystémiques, tels que la pollinisation animale, essentielle pour 75 % des cultures vivrières.

Crédits ou certificats biodiversité ?

Planète Urgence, parmi d’autres, estime que le terme « crédit » est inapproprié. La biodiversité ne peut être « compensée » ou « remboursée » comme un crédit financier.

Une perte d’espèce ou d’écosystème est irréversible. Le terme même de « crédit » implique que l’on peut vivre au-delà des limites planétaires, ce qui est faux. Ainsi, des termes alternatifs comme certificats biodiversité commencent à émerger, soulignant des actions positives pour la nature plutôt qu’une simple compensation.

En quoi l’expérience du marché Carbone peut-elle venir nourrir les réflexions pour la biodiversité ?

Le marché carbone a été fortement critiqué pour ses inefficacités, comme rapporté par des médias tels que The Guardian ou Le Monde. La financiarisation de la biodiversité se confronte à des questions encore plus complexes : Comment fixer un prix à la biodiversité ? Est-ce monétisable ? Comment garantir que les actions entreprises pour un écosystème ne dégradent pas un autre ? Comment intégrer les communautés locales dans ces décisions ?

Ces questions soulignent la difficulté à structurer un cadre de financement qui respecte l’intégrité écologique et qui ne causera pas plus de mal que de bien.

Comment mesurer l’impact sur la biodiversité ?

Les méthodes varient selon les pays, les projets et les acteurs. Certaines initiatives se concentrent sur des populations spécifiques (densité d’espèces, santé des sols, etc.), tandis que d’autres utilisent des indicateurs croisés.

Planète Urgence a rejoint l’OBC (Organisation for Biodiversity Certificates), qui travaille, avec l’appui de Carbone 4 et du Muséum d’Histoire Naturelle, à l’élaboration d’une méthode permettant de mesurer l’impact sur la biodiversité par rapport à un écosystème de référence.

Quelles sont les expériences existantes qui peuvent nourrir les réflexions ?

Trois initiatives notables, évoquées par Matthieu Wemaere, peuvent servir d’exemples :

  • Le Nature Repair Market en Australie : Aligné sur le marché carbone, l’Australie incite les entreprises à volontairement contribuer à la biodiversité australienne dans le cadre d’un marché interne régulé bénéficiant aux agriculteurs comme aux populations natives.
  • Les crédits verts en Inde : les entreprises doivent reverser obligatoirement 2% du bénéfice net dans des projets indiens en lien avec son activité et sa chaîne de valeur
  • Les systèmes de compensation au Royaume-Uni : L’Etat a formalisé des unités statutaires et un marché régulé et attend 10% d’amélioration supplémentaire en plus de la compensation des activités destructrices. (avec la possibilité d’augmenter ces 10%).

Quelles perspectives pour la COP de Cali ?

La COP 16 de Cali devrait établir un cadre international plus rigoureux, avec des principes de mesurabilité et d’additionnalité, sous une gouvernance stricte et impliquant des tiers indépendants ainsi que les peuples autochtones.

Bien que les crédits et certificats biodiversité soient en phase de développement, le cadre reste flou. Le moment est crucial pour augmenter les financements dédiés à la biodiversité sans répéter les erreurs du marché carbone, souvent critiqué pour son inefficacité et son marché secondaire déconnecté de l’impact réel.

Planète Urgence jouera un rôle actif pour garantir que les financements pour la biodiversité bénéficient réellement à la nature.

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