Le Pandanus candelabrum, une espèce à caractère invasive au Cameroun, au cœur d’une recherche innovante 

Dans le cadre de son projet CAMERR, Planète Urgence s’est fixé un objectif ambitieux : restaurer et assurer la gestion durable de 1 000 hectares de mangroves au Cameroun.

Ce projet est mis en œuvre depuis quelques années et fait face à une espèce particulièrement invasive : le Pandanus candelabrum. En colonisant rapidement l’habitat des mangroves, cette plante empêche leur régénération. Pour restaurer ces écosystèmes, Planète Urgence et ses partenaires doivent d’abord l’éliminer sur certaines zones. Souhaitant mieux comprendre son impact, notamment sur le climat, l’association a lancé une recherche dédiée à cette espèce.

Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), une espèce invasive ou envahissante est une espèce exotique introduite qui s’établit et se propage dans un nouvel écosystème, causant des impacts négatifs sur la biodiversité, les écosystèmes, l’économie ou la santé humaine.

Ces espèces peuvent entrer dans un environnement par introduction volontaire ou accidentelle, et elles deviennent problématiques lorsqu’elles concurrencent les espèces locales, modifient les habitats naturels ou perturbent les équilibres écologiques.

Selon l’IPBES, les espèces envahissantes sont parmi l’un des cinq principaux facteurs de la perde de biodiversité à l’échelle mondiale, avec notamment la pollution, le changement climatique et le changement d’utilisation des terres et océans

Les mangroves jouent un rôle essentiel en tant que puits de carbone naturel, habitats pour la faune et barrière contre l’érosion côtière. Cependant, ces écosystèmes subissent une dégradation massive due aux pressions anthropiques et à l’expansion d’espèces envahissantes. D’après l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN), plus de 50% des écosystèmes des mangroves dans le monde sont menacés..

D’après l’étude technique mené dans le cadre du projet CAMERR, le Pandanus candelabrum serait responsable de plus de 60% de la dégradation des écosystèmes dans les zones autrefois dominées par les Rhizophora spp. (espèce de mangrove) dans l’estuaire du Wouri.

Les racines du Pandanus candelabrum imitent non seulement celles des mangroves, ce qui permet à cette espèce invasive de les remplacer, mais elles préfèrent aussi les mêmes sols riches en boue organique, ce qui conduit à un remplacement rapide des mangroves indigènes après des perturbations telles que l’exploitation du bois. De plus, une fois établi, Pandanus candelabrum modifie la densité du sol, empêchant le développement des racines des mangroves et limitant ainsi leur régénération naturelle.

Le Dr Gordon N. Ajonina est un spécialiste renommé de la gestion des mangroves et des zones humides en Afrique de l’Ouest et Centrale. En 2023, il est devenu le premier biologiste camerounais et de la région du bassin du Congo à recevoir le prestigieux Doctorat Honoraire en Gestion de la Faune et Conservation de l’Université du Commonwealth à Kigali. Au cours des 23 dernières années, le Dr Ajonina a travaillé sans relâche pour protéger les mangroves et les zones humides au Cameroun, tout en menant des recherches approfondies sur la gestion des forêts de mangroves et des zones humides à travers l’Afrique; il dirige le Réseau Mangrove Cameroun, une coalition de plus de 40 organisations communautaires dédiées à la conservation des écosystèmes de mangroves au Cameroun.

La recherche s’est concentrée sur trois axes principaux : 

• Observer comment le Pandanus pousse en fonction de l’état de son environnement : On analyse ses caractéristiques physiques (comme sa taille et son développement) pour voir comment il s’adapte à des milieux plus ou moins dégradés.
• Mesurer la biomasse et son rôle dans le stockage du carbone : On évalue la densité du bois, la répartition de la biomasse entre les racines et la partie aérienne (feuilles, tronc) et un facteur qui aide à estimer la biomasse totale. Ces indicateurs permettent de mieux comprendre la capacité du Pandanus à stocker du carbone.
• Créer des formules pour estimer la croissance des plantes : On établit des relations mathématiques qui permettent de prédire la taille ou la biomasse d’un arbre à partir de mesures simples, comme son diamètre ou sa hauteur. Ces équations sont précieuses pour suivre l’évolution des forêts et leur rôle dans le stockage du carbone.

Globalement, les résultats montrent que, n’étant pas une ressource ligneuse, le pandanus va séquestrer entre 33 et 157 fois moins de tCO2 par hectare qu’un écosystème de mangrove mature. Ces résultats confirment l’importance de lutter contre cette espèce invasive, non seulement pour des raisons écologiques et sociales/économiques, mais aussi pour des enjeux climatiques.

Les principales observations montrent que :

1. Le Pandanus envahit davantage les zones abîmées : Plus un site est dégradé, plus cette plante y pousse en grand nombre et atteint une taille importante.
2. Un bois peu dense et riche en eau : Contrairement aux arbres de mangrove comme le Rhizophora, le Pandanus est composé principalement d’eau et de fibres, ce qui le rend moins robuste.
3. Des formules précises pour mesurer son impact : Des équations ont été mises au point pour estimer la quantité de biomasse produite par cette espèce et mieux comprendre son rôle dans le stockage du carbone et l’érosion des sols.

Planète Urgence souhaite que cette étude serve de référence pour les chercheurs, gestionnaires d’écosystèmes et organisations environnementales et pourra être utilisée par les acteurs dans le cadre de financements climatiques ou de certification mangrove VCS, GoldStandard ou PlanVivo par exemple. Elle apporte un éclairage inédit sur une espèce envahissante et propose des outils pour la gestion durable et la restauration des mangroves camerounaises. N’attendez pas pour consulter l’étude complète.

Consulter l’Étude

Cet article rend hommage au Dr Gordon N. Ajonina, qui a réalisé cette étude. Professeur renommé, expert des mangroves et du climat, il dirigeait CWCS (Cameroon Wildlife Conservation Society), une ONG locale partenaire du projet CAMERR.